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Au-delà de l’ESG : la finance régénérative nouveau paradigme d’investissement

Depuis deux décennies, le cadre ESG s’est imposé comme la référence dominante pour intégrer les enjeux socio-environnementaux dans la finance. Il a contribué à formaliser des critères non financiers dans les décisions d’investissement, à diffuser des référentiels et des outils de reporting, et à légitimer institutionnellement l’idée de finance durable. Cependant, une littérature de plus en plus abondante met en évidence leurs limites structurelles. D’abord, les approches ESG restent largement procédurales et orientées vers la conformité. Elles privilégient la mise en place de politiques, de codes de conduite et d’indicateurs normalisés plutôt que la transformation effective des systèmes biophysiques et sociaux. Ensuite, elles sont souvent mobilisées avant tout comme instruments de gestion des risques et d’optimisation du couple rendement-risque, plutôt que comme leviers de transformation des modèles économiques. De plus, la logique dominante demeure celle du « moins pire ». Il s’agit prioritairement de réduire des externalités négatives ou de ralentir la dégradation du capital naturel et social, bien plus que de produire des effets positifs nets à l’échelle des écosystèmes et des communautés. Enfin, l’essor des notations et labels ESG s’accompagne d’importantes divergences méthodologiques, de corrélations parfois faibles entre les scores et d’un décalage croissant entre la performance déclarée et les résultats concrets en matière de climat, de biodiversité ou d’inégalités. C’est dans ce contexte que s’affirme la notion de finance régénérative, qui ne se présente pas seulement comme un complément marginal à l’ESG, mais bien comme la promesse d’un changement de paradigme dans la manière de concevoir l’investissement.
Qualifier la finance régénérative de « nouveau paradigme » implique qu’il ne s’agit pas seulement d’un prolongement de l’ESG, mais d’une reconfiguration des questions de base. Au lieu de se demander comment minimiser les risques ESG pour protéger la valeur actionnariale, il s’agit de se demander comment allouer le capital pour accroître durablement la capacité de vie des systèmes dont l’économie dépend. Plutôt que de chercher uniquement à verdir des portefeuilles existants, il devient nécessaire d’interroger les types d’actifs, les modèles d’affaires et les relations économiques à créer pour rendre la régénération finançable à grande échelle. Cette transition est loin d’être linéaire. Elle se heurte à des inerties institutionnelles, à des incitations financières mal alignées et à des habitudes cognitives héritées de plusieurs décennies de financiarisation. Néanmoins, l’accumulation des crises écologiques et sociales rend de plus en plus visible la profonde dépendance de l’économie au vivant. Cela renforce la pertinence, tant académique que pratique, d’une exploration systématique de la finance régénérative.

Responsables du track:

Aymen HABIB (habiba@excelia-group.com)

Mohamed OUIAKOUB (mohamed.ouiakoub@univ-lorraine.fr)

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